La Folie des Imprimantes 3D

La Folie des Imprimantes 3D

L’impression 3D est à la mode, on parle même de « troisième révolution industrielle ». Simple « hype » ou réel changement de paradigme ?

En 1964, Arthur C. Clarke imaginait son « replicator », une machine qui pourrait créer n’importe quel objet pourvu qu’on lui en fournisse les matériaux. Des « replicators » élémentaires existent depuis les années 80. Les objets étaient alors limités à un seul matériau. Progressivement, le nombre de matières maîtrisées et utilisables simultanément s’est accru. Les machines devinrent plus rapides et plus compactes. Leur coût a chuté spectaculairement, au point de les démocratiser.

On parle « d’imprimante » 3D parce que le plus souvent, leur fonctionnement est une extension naturelle de celui des imprimantes traditionnelles à jet d’encre. Ces dernières possèdent une tête d’impression qui projette de l’encre sur une page, donc en 2D. Les versions 3D ont une « tête d’impression » qui se déplace en 3D dans un espace cubique.

Elles utilisent diverses substances, souvent des résines plastiques chauffées, qui se solidifient rapidement une fois déposées. L’objet est construit couche par couche, comme un mille-feuilles, de bas en haut. La précision est variable, généralement de l’ordre du dixième de millimètre. La description de l’objet est simplement un modèle 3D stocké sur un ordinateur, comme un banal fichier Word.

Cette méthode particulière est appelée FDM pour « Fused Deposition Modeling », il en existe d’autre, comme le frittage par lasers ou la stéréolithographie. La plupart sont des processus de fabrications dits « additifs » : on construit l’objet en rajoutant de la matière. À l’inverse, la majorité des procédés de fabrication industriels sont « soustractifs » : on prend un bloc de matière dans lequel on « sculpte » l’objet. Il y a donc des pertes, la production additive est plus efficace.

Un objet est traditionnellement fabriqué en séries sur des chaînes d’assemblages complexes et spécifiques. L’impression 3D permet de produire des objets à la demande et sur mesure. Une même machine peut créer une infinité d’objets différents. La généralisation de l’impression 3D peut donc entraîner un véritable bouleversement économique, c’est pourquoi certains parlent de « révolution industrielle ». On n’en est pas encore là, mais les premières imprimantes bon marché font déjà le bonheur des bureaux d’études en rendant le prototypage presque aussi simple qu’une photocopie.

D’ailleurs, appariées aux scanners 3D, les imprimantes constituent de véritables « photocopieurs d’objets ». La question du piratage, déjà brûlante dans le cas des données numériques, s’étend désormais au monde physique. Avec la démocratisation de ces machines, on peut dupliquer un objet à l’infini, potentiellement sans l’accord de son créateur.

Est-il légal d’avoir une « copie privée » de notre figurine de Yoda ou de notre presse-agrume Philipe Starck et de partager leurs modèles ? Paramount et Square Enix ont déjà décidé : c’est non ! En 2013, elles ont lancé des poursuites pour l’impression d’objets issus des films Super 8 et des figurines de Final Fantasy. Ce n’est qu’un début, les juristes du droit d’auteur ne risquent pas le chômage technique…

Plus chère que les imprimantes 2D, leurs grandes sœurs 3D sont néanmoins devenues abordables. Les premiers prix tournent autour des 1000 € (les FreeSculpt ou les LeapFrog par exemple). Vous aurez alors une machine d’une bonne dizaine de kilos prête à vous créer des objets d’une taille modeste à raison de quelques centimètres cubes à l’heure. C’est déjà suffisant pour se constituer le jeu d’échec de ses rêves, créer une coque unique pour son smartphone, une figurine Starwars à votre effigie, les pièces d’un modèle réduit ou celles d’une machine révolutionnaire de votre invention !

Si votre budget est serré, vous pouvez toujours acheter votre imprimante en kit (comme les RepRap) et la construire vous-même. Enfin, le moyen le plus simple sera peut-être de fournir votre fichier à un site Internet spécialisé, ou tout simplement à la Poste, qui vous l’imprimera volontiers moyennant une commission.

L’impression 3D en est encore à ses balbutiements, mais elle promet déjà de révolutionner nos vies à court ou moyen terme. L’impression d’aliments (chocolats, pizzas, raviolis, bonbons) laisse rêveur quant au futur des robots ménagers. L’université de Californie du Sud étudie carrément la possibilité de construire votre maison en 24h avec une imprimante géante ! En prime, les prix pourraient être largement inférieurs à ceux des constructions traditionnelles.

Les usages en médecine sont extrêmement prometteurs : des prothèses d’oreilles, des prototypes de reins, de doigts, des prothèses dentaires ont été déjà imprimés. Demain, les « bioimprimantes » pourraient reconstruire des organes entiers taillés sur mesure pour chaque patient. Les imprimantes 3D pourraient devenir l’atout décisif de la médecine régénératrice : chacun pourrait avoir accès à des « pièces de rechange » à volonté !

Alors « révolution industrielle » ? Peut-être encore bien plus que cela…!